Sophie Grégoire Trudeau a trois enfants, dont deux adolescents. Son mari est la cible de menaces de plus en plus fréquentes et le premier ministre s’est même fait jeter des cailloux à la tête lors de la dernière campagne électorale. Sa famille a dû se reloger temporairement, au plus fort de l’occupation du centre-ville d’Ottawa l’an dernier. Plus jeune, elle a souffert de troubles alimentaires et d’anxiété. Prendre soin de sa santé mentale, Sophie Grégoire Trudeau y connaît quelque chose.
L’épouse du premier ministre en a fait l’une de ses plus grandes causes. Elle en parle sur toutes les plateformes, à chaque occasion. Sa page Instagram propose régulièrement des conversations sur le sujet avec différentes personnalités publiques.
« Moi, quand j’ai décidé de raconter mon histoire il y a 20 ans, ça a changé ma vie. Et ça la change encore, chaque fois que je partage une partie de mon histoire », insistait Sophie Grégoire Trudeau, en entrevue avec Le Devoir cette semaine à l’occasion de la Semaine nationale de la santé mentale qui se termine ce dimanche. « Cette vulnérabilité, c’est ce dont j’ai le plus appris de toute ma vie. »
Le thème de la semaine de sensibilisation à la santé mentale cette année —« Mon histoire » — correspondait donc parfaitement à la porte-parole. Car c’est en parlant publiquement de sa propre santé mentale, il y a 20 ans, que Sophie Grégoire Trudeau affirme avoir « vraiment commencé un vrai chemin de guérison ».
Un parcours qui l’a même menée à écrire un livre sur la question, à paraître l’an prochain, révèle-t-elle au Devoir quelques semaines avant que la date de parution ne soit officiellement annoncée. Elle y raconte son parcours, bien sûr. Mais elle s’entretient également avec des experts, afin d’essayer de comprendre ce qui fait que des cerveaux tous identiques, au niveau neurologique, diffèrent néanmoins d’une personne à l’autre. « On peut comparer le cerveau à un disque dur. Et ensuite il y a la programmation de ce cerveau, qui découle de nos expériences de vie », explique-t-elle.
« Si on commence à un jeune âge à conscientiser et à éduquer les êtres humains quant à la raison pour laquelle ils ont leur propre façon d’agir et de réagir, pour mieux comprendre leurs émotions, on aurait des individus différents sur la planète et on aurait des leaders différents », se permet de souhaiter tout haut Sophie Grégoire Trudeau. « Et je pense qu’on aurait une très grande chance, en tant qu’humains, de se sauver nous-mêmes et la planète en même temps. »
Cet effort d’éducation et de conscientisation, la mère de famille le fait aussi avec ses trois enfants. « Tous les cinq, on est tissés très, très serrés. On maintient la conversation ouverte, profonde, difficile. Mais je pense qu’il n’y a pas d’autre moyen de garder l’authenticité au milieu de tout ça. Avec tous les hauts et les bas que l’on peut vivre, comme tout le monde dans leur propre famille. »
Une santé à protéger pour tous
L’épouse de politicien hésite à se confier quant au poids qu’a eu pour elle le climat social des dernières années. « J’ai une grande sensibilité et une grande compassion pour les familles qui sont dans l’oeil du public en général. Je comprends mieux le lot d’opportunités, mais aussi de… défis uniques », dit-elle, en prenant soin de peser ses mots puisqu’elle reconnaît aussi qu’elle vit une vie privilégiée.
Le paysage politique a toutefois changé, se permet-elle aussi de constater. « Sur les réseaux sociaux, que ce soit pour les jeunes, les personnalités publiques, certains membres du Parlement que je connais, des femmes qui subissent de l’intimidation constamment, c’est absolument un sujet à prendre au sérieux. » Elle évoque la polarisation de la société, l’évolution rapide de l’intelligence artificielle. Et martèle que pour y faire face il faut se rassembler, s’offrir de l’empathie.
Malgré tout, elle se dit optimiste pour la suite. « En 20 ans, j’ai vu le discours évoluer. » À l’époque, personne ou presque ne parlait de troubles alimentaires sur la place publique, ni d’autres problèmes de santé mentale. « La bonne nouvelle, c’est que le niveau de conscientisation et de connaissance a augmenté. Il y a encore de la stigmatisation, mais les efforts redoublent pour essayer de l’effriter, pour essayer qu’elle s’effondre un petit peu. »
Cet espoir, elle le vit aussi comme maman. « Bien sûr que j’ai des inquiétudes. J’ai trois enfants. Mais quand tu perds confiance en la vie, dans la bonté des gens, je pense que la noirceur s’installe. Et je refuserai toujours d’y donner plus d’espace qu’elle n’en mérite. »
Cette cause qui lui tient tant à coeur, Sophie Grégoire Trudeau continuera de la porter. Car bien qu’une personne sur cinq ait été diagnostiquée d’un trouble mental au Canada, la santé mentale est l’affaire de tous. « Vous, moi, tout le monde a une santé mentale. Cela nous concerne tous. Ce n’est pas une cause, c’est une réalité que l’on porte en soi », insiste-t-elle, derrière la caméra de son ordinateur, comme elle s’installe régulièrement pour prêcher son message au quotidien.