OTTAWA — La motion du Bloc québécois voulant rappeler au gouvernement Trudeau qu’il revient aux provinces de décider de l’utilisation de la clause dérogatoire de la Constitution a été défaite.
Selon les résultats communiqués en Chambre, 142 députés se sont prononcés en faveur de la motion et 172 étaient contre. Les députés conservateurs se sont joints à ceux du Bloc québécois, mais l’opposition des libéraux et des néo-démocrates a fait pencher la balance.
Lors d’une conférence de presse, le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, a accusé les libéraux de tenter de «restreindre la souveraineté du Parlement québécois, de l’Assemblée nationale du Québec».
«L’enjeu fondamental, c’est la volonté exprimée par le premier ministre Trudeau et, sans surprise, par les tout aussi centralisateurs NPD, de demander à des juges, dont la majorité ont été nommés sous son règne, d’encadrer, de restreindre ou de réécrire par jugement interposé la Constitution qui a été adoptée sous Pierre Trudeau», a-t-il dit.
Les bloquistes s’inquiètent qu’Ottawa intervienne devant la Cour suprême «pour contrer» la loi 96 qui modernise la Charte de la langue française et la loi 21 sur la laïcité.
Le premier ministre Justin Trudeau avait soulevé un tollé à Québec en annonçant sa volonté de mieux encadrer le recours à la clause. Il juge «inacceptable» que des provinces y aient recours de façon préventive.
Lors des débats sur la motion, jeudi dernier, la députée libérale Rachel Bendayan avait expliqué que la tradition constitutionnelle du Canada est marquée par un dialogue entre le législateur et le tribunal et que le recours préventif à cette disposition, qui brime les droits fondamentaux, «vient limiter ce dialogue en limitant le débat judiciaire».
Mme Bendayan a noté que la pratique de recourir rarement à la clause de dérogation de la Constitution a longtemps été la norme. En fait, a-t-elle souligné, la clause n’a jamais été invoquée de 2001 à 2017, mais que les temps ont changé et que c’est désormais plus fréquent.
Les conservateurs ont pour leur part affirmé que le Bloc québécois démontre avec cette motion qu’il est «complètement déconnecté» de la réalité des citoyens. «Il prend une journée complète, une journée de l’opposition, pour parler de la Constitution, alors qu’il y a tellement d’autres sujets plus importants pour les Québécois», avait dit leur lieutenant politique pour le Québec, Pierre Paul-Hus.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD) reconnaît au contraire que la motion bloquiste réfère à un «débat fondamental». Son chef adjoint, Alexandre Boulerice, a insisté que le recours à la disposition de dérogation ne devrait pas être «absolu».
«Nous devons nous demander si le législateur peut, en tout temps et sans justification majeure, suspendre la majorité des droits et libertés, qui sont pourtant protégés», a-t-il dit.
Lui aussi a déclaré qu’il constate que l’utilisation de la clause, qui était censée être «exceptionnelle, presque en derniers recours», est maintenant utilisée «de façon répétitive, peut-être même abusive, systématique».
La Presse Canadienne