Étouffée par ses dettes, l’entreprise madelinienne LA Renaissance des Îles a fini par sombrer. Son plan de relance a essuyé le refus de ses créanciers, jeudi, confirmant sa faillite et laissant quelque 300 employés dans les limbes. Une coopérative de pêcheurs demande maintenant à naître sur les cendres de l’entreprise.
C’est une mort entrepreneuriale qui fait mal dans l’archipel. LA Renaissance et ses usines de Gros-Cap et de Grande-Entrée transformaient et mettaient en marché près du quart des produits de la mer pêchés dans l’archipel. Malgré sa position prépondérante aux îles de la Madeleine, l’entreprise fondée en 2014 traînait une dette de près de 20 millions de dollars. La moitié de ce passif, soit 9,2 millions de dollars, devait aller à 325 créanciers non garantis qui ne reverront jamais la couleur de leur argent.
Parmi ceux-ci, 67 pêcheurs de homards madeliniens qui vont chacun perdre, en moyenne, plus de 40 000 dollars dans la banqueroute.
Le plan de relance refusé jeudi au palais de justice de Percé prévoyait que les créanciers non garantis récupèrent 54 % des sommes dues dans un horizon de sept ans. Une proposition trop bancale et surtout, humiliante aux yeux des pêcheurs concernés.
« Ça les a littéralement insultés », confirme Alexandre Bourgeois, vice-président de l’Office des pêcheurs de homard des Îles-de-la-Madeleine.
Le plan dépendait notamment d’une aide gouvernementale encore incertaine et d’un prêt bancaire, lui aussi hypothétique étant donné les déboires financiers de l’entreprise.
« C’était voué à l’échec, croit Nadine Cyr, directrice générale de l’Office. La confiance était brisée, plus aucun pêcheur n’aurait accepté de faire affaire avec LA Renaissance si l’entreprise avait réussi à éviter la faillite. »
La relation entre les pêcheurs et l’entreprise avait dégénéré à partir de l’an dernier, au moment où l’entreprise n’a pas su payer deux semaines de pêche aux marins. Tous sans exception ont préféré perdre l’ensemble de leurs billes dans la faillite plutôt que de laisser une deuxième chance à LA Renaissance avec l’espoir de récupérer quelque 20 000 dollars.
« Ma préoccupation première est la reprise des opérations de LA Renaissance à temps pour la saison de la pêche », indique le ministre de l’Agriculture et des Pêcheries, André Lamontagne, qui se dit « conscient de l’importance que cette usine revêt pour les pêcheurs madelinots ».
Il souligne que son ministère, tout comme celui de l’Économie, « sont déjà en mode accompagnement » pour aider le syndic de faillite à trouver des repreneurs.
Un repreneur, et vite
À l’approche de la saison de pêche, au début du mois de mai, tous souhaitent désormais qu’un repreneur se manifeste rapidement. Avec la faillite de LA Renaissance, les Îles ne comptent plus que cinq transformateurs pour donner une valeur ajoutée aux produits de la mer et les mettre en marché.
« Les deux usines sont désormais offertes au plus offrant, explique le député des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau. La priorité, maintenant, c’est de sauver les opérations et les 300 emplois à temps pour le début de la prochaine saison de pêche. »
L’élu péquiste croit que les actifs doivent demeurer dans le giron québécois. « Je dirais même que dans un monde idéal, ce seraient des Madelinots qui reprendraient les affaires. » Un avis partagé par le vice-président de l’Office des pêcheurs de homard des Îles.
« Quand les intérêts restent aux Îles, c’est un plus, ça facilite la relation, estime Alexandre Bourgeois. À défaut d’avoir quelqu’un, par contre, c’est mieux d’avoir un repreneur de l’extérieur que rien du tout. »
Le gouvernement devra aussi s’assurer que le plan de relance présenté par un éventuel acquéreur tiendra la route, souligne Joël Arseneau, « pour éviter de se retrouver avec un autre canard boiteux. » L’élu péquiste souligne que les gouvernements passés ont injecté d’importantes sommes d’argent public dans LA Renaissance, pour aboutir avec le dénouement malheureux de jeudi.
Les pêcheurs se mobilisent
Peu avant l’officialisation de la faillite, des pêcheurs madeliniens avaient manifesté le désir de reprendre les rênes de l’entreprise.
« Nous désirons former une coopérative de pêcheurs qui prendra en charge l’ensemble des actifs », écrivent-ils dans une lettre envoyée au ministre Lamontagne et à son collègue de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, dont Le Devoir a obtenu copie.
La reprise des actifs permettrait de préserver 120 emplois locaux « [essentiels] pour l’économie, le développement et la survie des îles de la Madeleine », affirment les auteurs. Elle garantirait aussi le maintien, selon eux, de la capacité de mise en marché de l’archipel, épargnant ainsi aux pêcheurs la tâche de devoir trouver un acheteur à l’extérieur du Québec à défaut de pouvoir vendre directement aux Îles.
Cap-Dauphin, une coopérative de pêcheurs majoritairement anglophones établie à Grosse-Île, constitue un modèle de réussite, estime M. Arseneau, qui voit d’un oeil favorable le fait que des gens issus de la communauté veuillent prendre en main leur destin et leur économie. « Le gouvernement doit être à l’écoute, ajoute l’élu du Parti québécois. Ça me semble un minimum. »